ORIGNAL


MARK RAYCROFT

Texte et photos
Mark Raycroft
ORIGNAL COMPORTEMENT
Rituel de géants
Il existe un ancien rituel d’affrontement de domination qui se produit chaque année dans les régions sauvages du Canada. En effet chaque automne, de gigantesques orignaux mâles se battent avec leurs bois impressionnants pour le droit de s’accoupler.
Les bois poussent et tombent chaque année. Cet exploit remarquable de la nature et l’énergie individuelle consacrée est motivé par le désir instinctif d’établir une hiérarchie et de se reproduire. Aussi complexes et impressionnants que soient devenus ces bois d’os, la masse corporelle, la technique de combat et la confiance du porteur de ce panache sont tous pris en compte dans sa capacité à gagner des batailles et à devenir le meilleur mâle reproducteur.
Si la science a montré que les bois des cerfs de Virginie peuvent pousser de ½ po ou plus par jour pendant la période de croissance maximale en juin, de quoi sont capables les orignaux mâles? Les plus grands spécimens en Amérique du Nord peuvent passer de zéro à 6 pieds de large en un peu plus de 3 mois, ce qui équivaut à une moyenne de 1,25 po de nouveaux bois par jour! Pour développer ces configurations osseuses massives, les mâles de ces espèces doivent aller chercher le calcium de leur structure squelettique. Lorsque l’automne approche et que leurs bois sont pleinement développés, ils consacrent leurs apports nutritionnels à reconstituer les os du squelette tout en renforçant simultanément leurs muscles pour la saison du rut qui approche.
L’aspect le plus intrigant des bois pour les humains est peut-être que, quelle que soit l’espèce de cervidés que vous considérez, chaque mâle développe un ensemble de bois unique – il n’y en a pas deux identiques !
L’orignal
L’orignal est la plus grosse bête portant des bois de la planète! Avec une masse corporelle pouvant dépasser les 1 800 livres (pour la sous-espèce du Yukon et de l’Alaska), leurs couronnes palmées doivent résister à une force énorme!
Les bois des plus grands orignaux peuvent atteindre des largeurs époustouflantes de 80 po et peser plus de 60 livres lorsqu’une génétique supérieure et une nutrition de qualité sont jumelées! Leurs panaches peuvent être assez grands pour qu’un homme adulte puisse s’y allonger! Mais on me dit toutefois que ce n’est pas recommandé…

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La sous-espèce Alces alces gigas ou orignal du Yukon/Alaska peut atteindre un poids de 1800 lb et porter des bois d’une largeur de plus de 80 po.
Il existe une grande variété de formes de bois d’orignaux. Certains individus ont plus de pointes frontales et d’autres plus de pointes qui sortent de leurs palmures. D’autres ont des palmures très hautes ou larges, qui s’étendent vers le haut à partir d’une base massive. La diversité de la forme des bois est en grande partie due à la génétique.
Les mâles d’un an ne produisent généralement que de petits bois fourchus, car ils doivent investir leur énergie dans la maturation de leur corps avant de l’engager dans la croissance des bois. Ce n’est généralement que lorsqu’un mâle atteint son troisième automne que la partie supérieure de ses bois devient vraiment palmée.
De nombreux chasseurs d’orignaux chevronnés considèrent les bois de plus de 50 pouces de large comme faisant partie de la catégorie des trophées. L’orignal mâle atteint sa maturité entre 6 et 7 ans et développe habituellement ses plus grands bois entre 8 et 12 ans. Le panache le plus lourd d’Amérique du Nord faisait pencher la balance à 79 livres!
Perte des velours
Au pays des orignaux, c’est à la fin du mois d’août que les mâles se débarrassent des velours recouvrant leur couvre-chef maintenant durci et commencent leurs rituels annuels avant le rut. La transition des bois recouverts de velours à un panache prêt au combat n’est pas seulement physiologique. Cela annonce un changement majeur dans le comportement des orignaux.

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La chute des velours nourriciers annoncent la venue imminente de la période du rut chez les orignaux.
Affrontements hiérarchiques
L’orignal mâle, dont la génétique dominera une certaine région, commence à faire ses preuves bien avant le début de la saison des amours. Les bucks de toutes tailles et de tous âges s’entraîneront pendant le pré-rut. L’établissement d’une hiérarchie de dominance par le biais de combats avec d’autres mâles garantit que les plus en forme transmettent leurs gènes. Ce mécanisme critique du rut permet aux mâles de se classer par ordre de force, de forme physique et de technique de combat.
Les combats commencent début septembre lorsque les bucks suivent un code instinctif de confrontation mâle-mâle. Ils suivent une séquence de gestes prescrite avant de s’affronter avec un adversaire. Balançant la tête d’un côté à l’autre, pour afficher clairement leurs bois massifs, ils marchent avec raideur et lentement vers le challenger pour tenter de l’intimider. Cette posture se poursuivra pendant une minute ou deux, donnant à chaque mâle assez de temps pour déterminer s’il est suffisamment confiant ou non pour comparer sa force et ses compétences à celles de son rival.
Pour s’entraîner, deux mâles s’approcheront lentement et, avec quelques précautions, placeront leurs bois ensemble. Une fois le contact os sur os établi, ils commenceront à se pousser. Un pas à la fois, chaque buck poussera stratégiquement avec ses centaines de livres de détermination brute. Après environ une minute, ils lèveront la tête, feront une pause et soit continueront le combat, soit se sentiront inférieurs et se détourneront. Une fois, j’ai vu deux mâles s’affronter 6 fois en une journée. Les matchs d’entraînement étaient temporairement interrompus pour des pauses intermittentes d’alimentation et de repos.
Deux mâles peuvent s’affronter des dizaines de fois au cours des semaines précédant le rut, la plupart des matchs durant quelques minutes ou moins. Ces compétitions dégénèreront toutefois en agression à mesure que septembre avance.
Cette hiérarchie de dominance protège l’espèce en établissant un classement avant le début du rut; réduisant le nombre de bagarres potentiellement mortelles autour des femelles en chaleur.

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Les affrontements pré-rut entre mâles de différentes tailles sont fréquents et ont pour but d’établir une hiérarchie de dominance avant la période d’accouplement réduisant ainsi les vraies confrontations parfois mortelles entre mâles dominants.
Frottages et cornages
Pendant la période précédant le rut – après la chute du velours et avant que les femelles n’entrent en chaleurs – les mâles parcourent leur domaine vital, frottant ou cornant les jeunes arbres et les arbustes. Le son de leurs bois en forme de palme glissant sur la végétation peut être entendu à une certaine distance et on pense qu’il signale la domination du mâle aux autres mâles et qu’il attire toutes les femelles à portée de son. Lorsque les bucks frottent leurs bois sur le feuillage des arbustes ou des fourrés, c’est avant tout une question de son et non d’odeur.

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Lorsqu’un mâle bien panaché malmène les jeunes arbres et arbuste en les « cornant » avec ses bois il espère se faire entendre par les autres mâles et les femelles des environs en affirmant sa dominance.
Cependant, lorsque l’orignal mâle frotte le tronc des arbres (la plupart du temps des résineux) avec la base de ses bois, l’intention est de déposer son odeur personnelle sur ses frottements. Les frottages odorants sur les arbres sont l’équivalent d’une petite annonce: «Un gros mâle en excellente santé cherche une femelle réceptive» et sont une invitation à toutes les dames qui pourraient passer devant. Les frottages sont généralement effectués sur des jeunes arbres à feuilles persistantes qui mesurent habituellement moins de 12 pieds de haut et dépassent rarement 4 pouces de diamètre. Lorsqu’il frotte, un mâle mature peut retirer l’écorce de 2 pieds du sol jusqu’à une hauteur de 6 pieds. L’odeur d’un buck séduisant peut inciter une femelle à rester dans la zone et à commencer à attirer son attention.

Les vrais frottages quant à eux sont habituellement réalisés sur de jeunes résineux avec la base des merrains du panache et sont une carte de visite olfactive pour les autres orignaux du secteur.
Les combats pour une femelle
Comment décrire l’image de deux orignaux mâles matures en train de se battre ? Une puissance brute incroyable, bouleversante! Avec des centaines de livres d’énergie furieuse de chaque côté, deux orignaux mâles en combat constituent l’une des démonstrations de force les plus impressionnantes de la nature. La plupart des combats commencent avec les bucks se présentant tous muscles raidis devant leur adversaire avant d’exercer l’énergie d’une confrontation ultime. Ils utiliseront leurs grands bois pour briser les arbustes afin de se menacer les uns les autres, et ils gratteront le sol avec leurs sabots avant. Si l’écho de leur lourd panache pliant et cassant des branches n’effraie pas leur adversaire, ils continueront à se rapprocher.
Avec un regard menaçant, les oreilles baissées et les poils du dos hérissés, chaque mâle s’approchera de l’autre d’un pas lent et écartelé, tout en inclinant ses bois massifs d’un côté à l’autre. Ce balancement de la tête est une autre tentative d’intimider et d’effrayer l’autre mâle, tout en laissant suffisamment de temps à chaque animal pour évaluer son adversaire. Parfois, les deux bucks peuvent devenir étonnamment vocaux. Lorsqu’ils sont à proximité, ils peuvent commencer à s’intimider vocalement. Je n’en ai été témoin qu’à quelques reprises, mais le volume et l’intensité du son étaient à la fois effrayants et surprenants.
Lorsqu’aucun animal ne recule et qu’ils se trouvent à quelques mètres l’un de l’autre, ils se retournent et cognent ensemble leurs lourds panaches. Chaque animal devient instantanément enragé lorsqu’il est submergé par la frénésie du combat. Les mâles les plus performants ont souvent des techniques et des stratégies de combat plus efficaces. Par exemple, certains semblent savoir qu’obtenir un terrain plus élevé lorsqu’ils poussent, se tournent et tournent leurs bois peut leur donner l’avantage.
Les blessures liées aux combats sont fréquentes – parfois les bois sont brisés, les blessures ouvertes sur la peau sont fréquentes et il n’est pas rare que des mâles perdent un œil. La puissance des deux mâles peut même faire fléchir leurs lourds bois et causer un entremêlement inextricable. Lorsque cette rareté se produit, et s’ils sont incapables de se séparer, les deux mâles périront – si aucun prédateur ne trouve le duo confus, ils finiront par mourir de faim.

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Les vrais combats de bucks dominants sont une expression de pure puissance et ont toujours lieu en présence d’une femelle en chaleur. Le vainqueur gagne le droit de s’accoupler avec celle-ci.
L’hiver
Qu’est-ce qui fait tomber les bois en hiver? Un mot – testostérone – ou son absence. C’est la même hormone qui stimule les mâles pendant le rut, mais dans ce cas, ce sont les niveaux décroissants qui en sont responsables. Les mâles qui se reproduisent le plus connaissent la chute de testostérone la plus rapide après le rut et sont les premiers à se débarrasser de leur couronne en hiver.
Cette baisse rapide de la testostérone entraîne une détérioration rapide de la connexion entre le pédicelle du crâne et la base des bois. Les deux bois sont généralement perdus dans un délai de 24 heures. En laissant tomber leur panache, les mâles se soulagent du poids supplémentaire et sont mieux en mesure de conserver leur énergie pendant les durs mois d’hiver. Imaginez-vous essayer de marcher dans la neige profonde jusqu’à votre poitrine tout en portant 60 livres sur la tête !
J’ai vu des bois tomber dès la fin novembre. Mais la plupart des mâles les perdent à la fin janvier. Les mâles immatures et les mâles vieillissants peuvent conserver leurs bois jusqu’en mars.
Le but du cycle des bois est de permettre aux mâles de développer un nouveau panache qui représente le mieux leur niveau de forme physique et leur maturité pour cette année-là. Ceci est particulièrement important pour les jeunes bucks qui souhaitent ardemment gravir les échelons sociaux et impressionner les femelles. Si aucune blessure ne survient, un mâle mature devrait développer un panache similaire d’une année à l’autre tout au long de ses premières années, jusqu’à ce que la vieillesse s’installe.

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Les bois des orignaux tombent à chaque hiver et repoussent du printemps à la fin du mois d’août.
Truc de chasse
Profitez du fait que les orignaux sont beaucoup plus vocaux pendant leur saison des amours. Localisez une zone où il y a des signes frais, comme d’énormes traces, des arbustes ou des jeunes arbres frottés et cornés, peut-être même une souille fraiche, et imiter plusieurs fois le son d’une femelle orignal en chaleur pour attirer un mâle en mal d’amour. L’appel fonctionnera tout au long de la saison des amours, à moins que le prétendant ne soit déjà fiancé. Les journées plus fraîches sont préférables, car les orignaux ne sont jamais aussi actifs lorsqu’il fait anormalement chaud pour la saison.

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Pour les chasseurs la première étape consiste à localiser les signes du passage récent des orignaux.