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Édition février 2024

La morue atlantique

Une espèce oubliée qui mérite l’attention des pêcheurs sportifs

Peu connue des pêcheurs sportifs, la morue est pourtant un poisson légendaire qui mériterait de gagner en popularité. C’est la truite grise des mers, dont la combativité n’a d’égale que la délicatesse de sa chair à la saveur exceptionnelle. Jadis en surabondance, son déclin mériterait les mêmes efforts qui ont été consacrés à la survie du bar rayé. C’est pourquoi,  l’auteur nous introduit aux techniques de pêche sportive de la morue atlantique et à ce qu’il faut savoir pour ajouter cette espèce à nos sorties et lui redonner toute l’attention qu’elle mérite.

Texte, photos et vidéo
André Veilleux

L’auteur avec quelques morues de belles tailles pour faire un bon shore lunch.

Le repeuplement du bar rayé dans le golfe du Saint-Laurent et les côtes gaspésiennes comme du Nouveau-Brunswick a fait l’objet d’efforts considérables de la part des autorités fauniques. 

Le succès est tel que lorsqu’il aura d’ici peu recolonisé complètement les eaux du fleuve St-Laurent, ce qui ne saurait tarder, son statut d’espèces en péril disparaîtra. Sa surabondance est  par ailleurs incontestable dans les eaux gaspésiennes et de la partie est du Golfe du Saint-Laurent où sa pêche sportive est permise et devient de plus en plus populaire.

Mais quand je songe au bar rayé et malgré un tel succès, mes pensées dérivent invariablement vers une autre espèce océanique en péril et pratiquement oubliée de tous alors qu’elle a été pendant des centenaires un pilier économique qui a permis la survie de plusieurs nations: la morue de l’Atlantique.

J’ai été personnellement témoin de son abondance phénoménale d’autrefois. Il y a une cinquantaine d’années, je la pêchais à chaque été avec un de mes oncles mariés à une conjointe gaspésienne. Je me souviens qu’il fallait souvent rentrer parce que la grande embarcation de bois dans laquelle nous la pêchions en était si remplie que les bancs de sièges avaient complètement disparus!

Il y a une cinquantaine d’années la morue était abondante et les belles pêches étaient monnaie courante.

J’ai aussi été témoin de son déclin rapide dans les années 80, au point qu’en 1989, un moratoire interdisant complètement sa pêche sportive et commerciale a dû être instauré. Le responsable était évidement sa surpêche mais Pêche et Océan Canada qui avait tardé à intervenir faisait aussi partie de la cause. Malgré que cette décision fut difficile à encaisser pour les pêcheurs commerciaux qui perdaient alors une grand part de leur gagne-pain, tous se sont résolus en comprenant que c’était le sacrifice à faire pour espérer retrouver son abondance.

Et les années d’abstinence passèrent, avec un moratoire qui dura quinze ans. Lorsque sa pêche sportive et commerciale fut de nouveau permise avec restriction, je me suis empressé d’y retourner, cette fois-ci avec ma propre embarcation, mais une autre déception m’attendait. En effet, la morue était abondante mais sa taille moyenne demeurait décevante et m’obligeait à retourner la majorité de mes captures à l’eau. 

À que cela ne tienne, je me suis dis que le moratoire avait sans doute été levé trop tôt mais qu’à chaque année qui passe, et grâce aux restrictions de capture et à des saisons de pêche très écourtées, nous devrions voir sa taille augmenter rapidement, d’autant plus que ce poisson possède un taux de croissance très élevé. Mais les années passèrent et encore cette année, une bonne part de mes captures permettaient à peine d’en prélever des filets respectables.

Pour comprendre, je n’ai qu’à observer autour de moi pendant mes pêches. Pratiquement toutes mes sorties s’accompagnent de la présence de phoques gris qui font régulièrement surface en bandes tout autour de mon kayak de pêche, avant de replonger pour se nourrir en abondance de morues à peine parvenues à une taille quasi décente. 

Les morues sont pourtant là, tapissant complètement le fond et en abondance, mon sonar me renvoyant des échos démontrant que les bancs ont souvent plusieurs pieds d’épaisseur  tant elles sont nombreuses. Toutefois, la consommation des phoques gris fait en sorte que peu d’entre elles atteignent une taille décente. Je ne fais pas référence à des spécimens de 10 à 25 livres qui étaient monnaie courante autrefois mais capturer une morue de deux à trois livres est devenue à présent un événement dont on a envie de se réjouir. À mon plus grand plaisir d’une canne bien arquée et d’un frein de moulinet qui glisse, il m’arrive cependant de capturer quelques morues dépassant les 3 livres.

Même si la taille moyenne des prises de morue ne soit pas très élevée actuellement, il se capture malgré tout de beaux spécimens à chaque saison.

Mais si sa taille moyenne est si petite, pourquoi vous montrerais-je comment la capturer et pourquoi devriez-vous ajouter cette espèce à votre saison de pêche?  Justement, pour assurer sa survie et son retour.  En vous intéressant à la morue, vous découvrirez non seulement une pêche captivante et sans pareil, avec une qualité de chair exceptionnelle, peut-être la meilleure de toutes, mais vous deviendrez sensibilisé à l’importance de préserver ce poisson. Ce faisant, plus les pêcheurs sportifs découvriront cette espèce oubliée, plus les pressions se feront pour que les autorités prennent les mesures nécessaires afin de favoriser son redressement. On l’a bien fait pour le bar rayé autrefois pratiquement disparus de nos côtes? Alors pourquoi ne le ferions-nous pas pour la morue, une espèce sur laquelle s’est bâtie la Gaspésie?

Leurres et techniques de pêche

Pensez d’abord truite grise. Ces deux espèces ont plusieurs points en commun. On peut les capturer du bord de l’eau mais comme ce sont des poissons de fonds, il est préférable de s’éloigner des rives afin de les capturer. Tout comme la grise, la morue aime les profondeurs pour mieux coller et longer les structures sous-marines. Personnellement, mon meilleur spot est un rocher de la Baie des Chaleurs qui remonte à 90 pieds de profondeur, sur des fonds avoisinants de 120 pieds de creux, alors que je pêche surtout les escarpements autour du plateau. On le devinera, l’utilisation d’un bon sonar est absolument essentielle à la morue. Non seulement on pourra facilement repérer de telles structures pour y localiser les bancs de morues mais on pourra aussi géolocaliser ces endroits précis afin de pouvoir y retourner. En effet, vous pêcherez souvent éloignés des côtes, sans point de repère visuel, ce qui serait difficile de retrouver vos structures sans sonar.

Comme pour la pêche au touladi l’été, un bon sonar sera le meilleur allié du pêcheur de morue autant pour cibler les bonnes structures que pour découvrir les bancs de poissons. Un modèle avec GPS intégré sera aussi bien pratique pour géolocaliser les meilleurs sites de pêche et pour y revenir ultérieurement.

En mer, il faut aussi composer avec les courants. En marée montante ou descendante, la force des courants peut être telle que votre embarcation se déplacera de plusieurs centaines de pieds en quelques minutes, raison de plus d’utiliser un sonar pour pouvoir se repositionner régulièrement, là où la pêche est bonne. Comme on pêche à 1 ou 2 pieds du fond et même si vos leurres peuvent atteindre des poids de 4 à 8 onces, favoriser les heures de début et de fin de journée (5-8 AM et 17-20 PM) coïncidant avec la période de marée étale (périodes de marée haute ou basse pendant lesquelles le courant est nul ou faible pendant quelques heures). Ainsi, votre leurre pourra facilement descendre à la verticale pour toucher le fond à d’aussi grandes profondeurs. On comprend également que la morue est un poisson plutôt crépusculaire, dont l’activité de se nourrir est la plus intense aux deux extrémités du jour. Elle pourra d’ailleurs s’approcher des rives et longer les quais durant ces extrémités du jour pendant lesquelles elle chasse, ce qui la rend alors accessible aux pêcheurs sans embarcation.

La morue étant un poisson grégaire et qui prend facilement le leurre, si on en capture une, c’est qu’il y en a probablement d’autres au même endroit. De plus, non seulement les morues se déplacent en bancs mais elles ont tendance à se regrouper par sujets de même taille. 

1 : cela signifie que si les morsures tardent à venir, déplacez-vous après seulement quelques minutes de pêche sans succès. Soit elle est là, soit elle n’y est pas, car la morue est un poisson très souvent affamé et qui mord sans hésitation à toutes proies qui se présentent devant elle, si elle est bien présente. Si les morsures sont absentes ou cessent subitement, c’est que le banc est ailleurs ou qu’il s’est déplacé. De plus, à des profondeurs d’une centaine de pieds où elle aime évoluer, il persiste très peu de lumière, faisant en sorte qu’il suffit que votre leurre s’éloigne de quelques pieds d’elles pour être hors de sa zone de détection.

2 : cela signifie aussi que si vos premières captures sont de petites tailles, il est très probable que toutes les captures subséquentes seront de même dimension si vous persistez à pêcher au même endroit. Déplacez-vous sans attendre plutôt et avec un peu de chance, vous finirez par tomber sur un banc de taille plus respectable.

Les leurres à utiliser sont de deux types: dandinettes en caoutchouc ou jigs métalliques avec hameçon triple, ceux-ci devant atteindre des poids de 3 à 6 onces pour mieux résister à la force des courants. Personnellement, je préfère les jigs métalliques car ceux-ci offrent moins de tirant d’eau que les dandinettes en caoutchouc, ce qui permet de les descendre plus rapidement au fond.  Quand ça mord, remonter une morue à plus de 100 pieds de profondeur et redescendre le leurre par la suite enlève du temps de pêche. Et comme les bancs sont souvent en mouvement et que les morsures peuvent donc cesser à tout moment, je préfère le jig métallique car il allonge mon temps de pêche dans la bonne zone. De plus, avec des leurres métalliques, on peut en obtenir avec des colorations très voyantes, telles que celles de couleurs fluo ou argentées, pour une brillance qui permet à la morue de mieux les localiser dans ces profondeurs où la lumière est pratiquement absente.

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Quelques leurres utilisés par l’auteur pour capturer la morue (A). Toutefois sa préférence se tourne habituellement vers les dandinettes métalliques (B) qui descendent plus rapidement vers le fond et qui sont souvent plus visibles aux yeux des morues évoluant à grande profondeur.

On dandine donc le leurre à quelques pouces allant jusqu’à 1 ou 2 pieds du fond. Petit truc: on cogne parfois le fond avec le jig pour émettre des sons qui permettront à la morue de mieux localiser le leurre dans ces profondeurs de faible lumière. Pour compenser à cette faible luminosité, la barbe située sous sa mâchoire inférieure est une excroissance sensible qui lui permet, en collant le fond, de mieux déceler les vibrations du sol que peuvent émettre ses proies et vos leurres.

Le déplacement vertical du leurre variera, de quelques pouces avec arrêts, suivi de mouvements de grandes amplitudes qui favoriseront l’attaque du poisson. L’attaque se produira presque invariablement lors de la descente du leurre. Tout mou détecté dans la ligne en descente méritera un mouvement de ferrage instantané. Les pêcheurs habitués au doré s’y retrouveront dans cette technique. La morue n’est pas habituellement un poisson difficile à faire mordre, le secret étant plutôt dans sa localisation.

Je préconise l’utilisation de cannes à jigger, rigides et assez courtes, de type bait casting, ainsi d’un gabarit semblable à celles que l’on utilise pour le maskinongé. On ne lance pas le leurre, car on ne fait que le descendre. Le moulinet est de préférence à tambour et de lancer lourd, pouvant loger quelques centaines de pieds de ligne tressée, de 40 à 80 livres de résistance. L’absence d’élongation que procure une ligne tressée permet de ressentir instantanément les touches et de mieux ferrer le poisson malgré autant de longueur de fil déployé.

L’auteur lors d’une sortie de pêche à la morue en kayak.

Règlementation

Puisqu’on la pêche en eau salée, aucun permis de pêche n’est requis. Pour connaître la réglementation concernant les dates de pêche et limites de capture, référez-vous au site internet de l’organisme fédéral Pêche et Océan Canada qui régit la pêche sportive en eau salée, ce qui comprend des espèces comme la morue. Celles-ci varient selon les secteurs de pêche, et selon que vous pêchez à pas plus de 50 mètres du littoral ou plus au large. La réglementation est émise au printemps et elle est sujette à des modifications à chaque année, d’où l’importance de s’informer.

Dans la majorité des secteurs, les saisons permises se déroulent de juin à août, sur une à deux semaines environ. À  quelques endroits, quelques saisons supplémentaires se déroulent en septembre et octobre.  Dans l’ensemble des secteurs, on permet la capture quotidienne de cinq morues franches, comprises dans un maximum de 15 poissons de fond. Il n’y a pas de limites de longueur et de possession.  Par poissons de fond, ceci implique que la pêche sportive de certaines de ces espèces indiquées dans la réglementation, comme le loup de mer et le flétan, est interdite.  En pêchant la morue, vous pourrez attraper des crapauds de mer, de l’ogac et des plies comme autres poissons de fond dont la capture est permise.

La morue franche, la véritable morue, se distingue par sa ligne latérale qui parcourt en longueur ses deux flancs. La franche se distingue de l’ogac, un poisson de fond très ressemblant à la morue et tout aussi délicieux qu’on appelle aussi  « morue de roche ». Cette cousine n’est donc pas une véritable morue à comptabiliser avec ses 5 franches quotidiennes. Cette espèce est plus trapue que la franche et s’identifie par l’absence de cette ligne latérale et la présence de grosses taches brunâtres parsemant ses flancs.

La limite de prises de morue franche est de 5 poissons dans l’ensemble des secteurs où il est permis de la capturer.

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Contrairement à la morue de roche (ogac) (A), la morue franche (B) est dotée d’une ligne latérale bien visible ce qui facilite son identification. CNOZERES (MPO/DFO CANADA)

Conclusion

En terminant, je vous invite à ajouter la morue à  votre prochaine excursion de pêche en eau salée.  Si vous n’y êtes pas encore familiers, des guides situés à l’Est du Fleuve, de la Côte Nord aux rives gaspésiennes se feront un plaisir de vous y accompagner, en fournissant embarcation et équipement dans leur forfait. Au large, vous découvrirez des paysages marins fantastiques et parsemés de baleines, là où le ciel et la mer se confondent.  Les plus beaux sujets offriront un combat mémorable n’ayant d’égal que la délicatesse de sa chair. D’ailleurs, un fish and chip de morues fraîchement capturées pourrait bien devenir votre meilleur repas de poisson à vie.

Et plus nous serons de pêcheurs à découvrir ce légendaire poisson qu’est la morue, plus nous serons conscientisés à faire en sorte que les autorités fédérales prennent les mesures nécessaires pour stopper son déclin et favoriser son retour en force, exactement comme on l’a fait pour le bar rayé. 

Bonne pêche!

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