L’hiver; période morte, vraiment ?
Nous connaissons un hiver «plate», mais plate! Pas moyen d’aller au doré, la glace est incertaine et il y a toujours beaucoup d’eau partout, pas de neige folle, alors pas moyen de colleter le lièvre… Mais non, c’est le temps d’aller voir nos amis sauvaginiers, de parfaire notre technique d’appel, de magasiner les aubaines et d’aller au marais préparer notre site de chasse (voir bloc truc du guide).
Il n’y a rien de mieux pour s’améliorer que de faire des retours sur les chasses de l’année précédente avec nos compagnons de chasse. Les bons coups, ce qui n’a pas bien été, les mauvaises préparations, etc. En prenant le temps de fait le point avec votre groupe de chasse, vous pourrez mieux vous préparer pour la saison qui s’en vient, parfois assez rapidement si vous chassez l’oie blanche au printemps!
Mon directeur de maîtrise, feu Réjean Fortin, me disait toujours: «cent fois sur le métier, remets ton ouvrage». J’ai toujours suivi ce conseil religieusement, et ça m’a permis de me démarquer à plusieurs occasions, l’appel de la sauvagine ne fait pas exception. Que ce soit à l’aide des vidéos publiées ici dans le cadre d’articles techniques, ou d’autres sources d’informations comme vos vieux DVD poussiéreux ou vos magazines tout fripés, pratiquez-vous en groupe, il n’y a rien de mieux pour améliorer votre vocabulaire et votre dextérité. Un bon truc est de vous enregistrer et de réécouter, tous ensemble, ces extraits. Vous maîtrisez mal la spit note pour la bernache ou les cris longue distance pour le canard, bien insistez sur ces appels en particulier. Dans votre groupe, il va bien y avoir au moins une personne qui comprend la technique pour émettre ces appels et qui sera en mesure de transmettre ses connaissances? Vous pouvez inviter d’autres chasseurs plus vertueux et abordables qui se feront un plaisir d’échanger avec vous via une application de communication (Zoom, Team, etc.).
Une autre chose à faire en hiver, c’est de parcourir les allées des grands magasins de chasse ou leurs sites web et de chercher les trucs en vente qui pourraient être utiles pour la prochaine saison. Vous pourrez être surpris des aubaines que vous allez dénicher à cette période de l’année, moi je n’y manque jamais. Vers la fin de l’été, j’ai toujours l’esprit libre en août, alors que plusieurs de mes amis courent après des items qui sont devenus rares ou non disponibles. Entre autres, c’est maintenant qu’il faut acheter la peinture, les produits pour velouter, et petits accessoires (plombs, élastiques/anneaux d’attache, etc.) pour préparer vos appelants de canard ou de bernache, n’attendez pas que les tablettes soient vides deux semaines avant l’ouverture de la chasse!
Truc du guide
Un bon truc, si vous prévoyez construire une cache dans un marais ou sur la berge d’un cours d’eau, apportez dès maintenant tous les matériaux nécessaires à sa construction au moyen d’une motoneige munie d’un grand traineau ou d’un véhicule tout terrain avant le dégel du sol. Il faut cependant respecter quelques points importants. En tout premier lieu, ne déposez pas vos matériaux directement sur le sol, les petits cours d’eau ont parfois des crues fortes, et, même attachés ensemble à un arbre, vous risquez de les perdre ! Confectionnez un support surélevé s’il le faut, quatre piquets fait des troncs d’arbres morts, quelques 2×4 et hop le tour est joué. Le sol ne sera pas gelé sous le couvert de glace, amenez-vous une petite perceuse de 4 po pour percer la glace et planter vos piquets dans le lit du cours d’eau. Ce truc peut avoir l’air banal, mais s’il y a des porcs-épics dans votre secteur, arroser copieusement vos feuilles d’agglomérés, si vous en utilisez, de sauce forte et placez des boules à mites entre celles-ci (ça éloignera les souris qui seraient tentées d’y faire leur nid). En effet, ces rongeurs adorent gruger ces panneaux, c’est plus fort qu’eux! Un dernier truc, prenez le temps de recouvrir vos matériaux d’une bonne bâche pour les protéger. Bien préparés de cette façon, vous vous épargnerez beaucoup d’efforts et de sueur la belle saison venue!

A
Ajoutez le texte de votre infobulle ici

B
Ajoutez le texte de votre infobulle ici
(A) une cache en plein cœur d’un grand marais, plus accessibles en hiver par voie de glace qu’en embarcation dans la végétation dense en été ou en automne; (B) visite en motoneige pour transporter des matériaux de construction en hiver sur le couvert de glace.
Appelant-appels-caches
Les appelants de canards flottants surdimensionnés
Une question qui revient souvent en ce qui concerne la chasse aux canards de surface dans les cours d’eau ouverts de grande superficie; «est-ce que l’utilisation d’appelants surdimensionnés peut être utile?». Comme souvent, je n’ai pas de réponse unilatérale, tout dépend du site et du moment de la sortie de la chasse. Commençons par le site de chasse, s’agit-il d’un dortoir de jour ou de soir, un site d’alimentation ou d’un endroit situé dans un bon corridor de vol? Si vous chassez dans un site qui contenait un bon nombre de canards la veille, soit une aire de repos ou d’alimentation, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de vous encombrer de ces gros appelants. J’ai du succès régulièrement dans ces conditions en utilisant des appelants plus réalistes, comme ceux pleins velours ou ayant une belle finition de coloris réalistes et invitants. En revanche, sous un corridor de vol, ces gros appelants vous aideront à attirer l’attention des volées de loin, et les rassureront de plus près, disposez-en autant que vous puissiez. Étant plus imposants, il faudra laisser plus d’espaces entre les individus, au moins 1,5 m, ainsi qu’entre les groupes, disons au minimum trois fois cette distance.
Le moment de la journée importe également dans ce choix. Au petit matin, ces gros appelants n’augmenteront pas le pouvoir d’attraction de votre plan, plus tard dans l’avant-midi, ce sera davantage le cas. J’en dispose rarement pour le début de la chasse, mais il m’arrive d’en ajouter autour des groupes d’appelants de taille normale lorsque la chasse s’étire, comme, pas par exemple, dans les dortoirs de jours (sites où les canards résident le jour au lieu de retourner au dortoir de nuit pour éviter de longs déplacements répétitifs et inutiles). Dans ces sites, il y a souvent deux passes, une à la brunante, et une autre beaucoup plus tard lorsque les canards reviennent de s’alimenter. Ils ont besoin d’eau pour faire descendre la nourriture accumulée dans leur jabot vers leur gésier. Ils iront inévitablement vers les points d’eau leur offrant du couvert. Toutefois, comme rien de spécial ne les attire à l’une ou l’autre des extrémités du dortoir, l’utilisation des gros appelants pourrait vous aider à augmenter le pouvoir d’attraction de votre site de chasse. Le soir, tous les canards regagnent leur dortoir de nuit, des sites tranquilles et abrités dans lesquels la chasse est souvent interdite ou limitée. C’est, selon moi, dans ces conditions que les appelants surdimensionnés vous aideront le plus. Étant donné que vous devez vous placer en bordure de ces dortoirs, et non à l’intérieur de ceux-ci, une belle disposition d’appelants de tailles variées et des appels convaincants, vous permettront de faire décrocher les plus jeunes individus, moins méfiants, voir naïfs, et souvent plus fatigués que les sujets adultes. J’ai souvent fait de très beaux tableaux en bordure de réserve (respectez les zones tampons lorsqu’il y en a) le soir, en particulier en octobre alors que les jeunes individus n’ont pas encore migré (les femelles et les jeunes, moins tolérants au froid, migrent souvent avant les mâles et les gros adultes). Essayez-le, vous verrez bien !

Un bon exemple d’appelant de canard surdimensionné de fabrication artisanale avec un fini mat et très réaliste, remarquez la différence de taille avec un appelant normal.
Biologie et aménagement
Période de chasse légale, pourquoi?
Dans plusieurs états américains, la limite de prises quotidienne était déterminée par un système de pointage selon les espèces, et le sexe des individus. Par exemple, sur un quota de 100 points, une femelle malard peut en valoir trois (75) et le mâle seulement qu’un (25). Pourquoi? Les mâles de plusieurs espèces de canards barboteurs sont polygames, ils peuvent accoupler plusieurs femelles au cours d’une même saison de nidification, en particulier si la première couvaison a été un échec. Vous trouverez une excellente analyse de l’efficacité de ce système dans ces articles (https://www.jstor.org/stable/3784059 et https://www.jstor.org/stable/3781777).
Ce principe de conservation est appliqué pour plusieurs autres groupes de gibiers, dont le cerf de Virginie, la dinde, etc. Il était donc crucial, pour les chasseurs des états où le système était en vigueur, d’être capables de bien identifier l’espèce et le sexe des individus venant à portée de tir pour pouvoir profiter au maximum de leur sortie, sinon, la chasse risque d’être de courte durée! Voyez ci-dessous un éditorial du magazine Wildfowl à cet effet (https://www.wildfowlmag.com/editorial/get-the-point/485059).
Morillon à dos blanc: 100 points
Poule d’eau, Canard noir, Canard branchu, Harle couronné: 70 points chacun
Malard mâle: 25 points
Canard siffleur, Sarcelle, Canard pilet, Canard souchet, Fuligule milouin, Fuligule à collier: 10 points
Les commentaires de l’auteur à propos de ce système sont directs et parlent d’eux-mêmes :
Faites les calculs :
L’identification de la sauvagine était essentielle pour que le système de points soit légal, et les chasseurs doivent identifier correctement les oiseaux en vol avant d’appuyer sur la gâchette. Voici des exemples de limites de bagages quotidiennes :
Quatre têtes vertes (mâle malard) = 100 points au total. C’est une bonne journée.
Une tête verte, une poule d’eau, un canard noir = 95 points au total. C’est beaucoup de travail pour deux canards !.
Dix pilets mâles = 100 points au total. C’est une plutôt bonne journée.
Un canard branchu, trois pilets mâles = 100 points au total. C’est aussi une bonne journée.
Une canne malard = 100 points au total. C’est beaucoup de travail pour un canard.
Une poule d’eau, un canard noir et un canard branchu ; vous avez dépassé la limite de 140 points.
Une cane malard et un canard de toute autre espèce : vous avez encore dépassé la limite, et cela dépend de combien.
La plupart des états américains qui avaient mis ce système de pointage en place l’ont abandonné, car il était difficile de le faire appliquer et respecter sur le terrain. Il était aussi ajusté selon l’abondance annuelle des différentes espèces, ça commence à faire une gestion bien compliquée à suivre! C’était pourtant une excellente idée, pourquoi ne feriez-vous pas de même, en particulier avec les malards dont les mâles sont faciles à reconnaître en vol, si tous font ce petit geste de conservation, il est fort à parier que l’effet serait substantiel sur les cheptels de canards barboteurs.
J’en viens au titre de ce bloc, les périodes de chasse légales, soit d’une demi-heure avant le lever du soleil et une autre après son coucher, n’ont pas été choisies au hasard! Non, elles correspondent au moment du jour, en moyenne, où l’espèce et le sexe des canards commencent à être reconnaissables. En effet, en aménagement de la faune, c’est la synergie entre les mesures de conservation qui donne de bons résultats, et non leur application à la pièce, selon votre humeur, qui permet la conservation de la ressource à long terme. Pensez-y la prochaine fois que vous commencerez à tirer, trop tôt, sans avoir la moindre idée de l’identité de votre gibier. La chasse est un privilège, et nous sommes chanceux de pouvoir, encore et toujours, pratiquer ce loisir dans des lieux publics ou privés en toute liberté, faisons des efforts pour préserver cette chance !

Un beau tableau de chasse aux canards réalisé à l’ouverture de 2023, principalement composé de sarcelles à ailes vertes et de canards branchus, dans ce cas la chasse aurait été quasiment aussi longue avec un système de pointage pour le quota journalier!
Anecdote sauvaginière la «GROSSE sarcelle»!
Il y a 50 ans, disons que les jeunes avaient plus de liberté qu’aujourd’hui en ce qui concerne leurs activités de chasse. Je n’en fais pas la promotion, mais disons qu’à dix ans, bien informé par mes oncles et mon père aux dangers des armes, je me promenais allégrement dans la campagne avec ma petite carabine à plomb de calibre .177, très faible, tout juste assez forte pour abattre un moineau (chose que je ne faisais qu’en compagnie d’un adulte, en toute légalité à l’exception de mon jeune âge). Durant une nuit de fin d’octobre, il avait venté très fort du nord-ouest accompagné d’averses soutenues. Ce samedi matin-là, je pouvais voir, de loin, de nombreuses volées de canards, sans doute fraichement arrivées et poussées par la tempête de l’avant-veille. Je décide d’aller jeter un œil, j’arrive au bord d’un petit étang formé durant la tempête. Il y avait un gros arbre, un orme mort, qui était tombé, et en m’assoyant dans la fourche, je devenais parfaitement invisible. J’aimais rêvasser tout jeune, je me perdais dans mes pensées pleines de nature, de plantes comestibles, de petits fruits, du gibier abondant et varié…. Tout d’un coup, j’entends un grand fracas dans l’étang, un bruit d’éclaboussement, très, mais alors là, très près de moi! Je lève le nez, et devinez quoi? UNE «GROSSE» sarcelle à ailes vertes se trouvait là à même pas quatre pieds de moi! J’ai figé! Je n’ai même pas pensé une seule seconde à essayer de tirer dessus, au contraire, j’avais le souffle coupé et je tremblais de tous mes membres! Je ne suis pas un grand amateur de gros gibier, mais j’imagine que ça devait être le fameux buck fever dont mes oncles me parlaient souvent. La «GROSSE» sarcelle, elle, n’a rien vu! Elle est partie à la nage en s’éloignant de ma position sans se soucier de moi le moindrement du monde. De mon côté, je partis à quatre pattes dans le sens contraire avec beaucoup de respect et d’admiration pour ce magnifique canard!
Ne le dites pas à personne, mais il m’arrive, en particulier le matin de l’ouverture, d’avoir cette fièvre du gibier, de me poser mille questions sur ma préparation et ma technique de chasse, même après presque 50 ans de chasse aux canards! Je vis vraiment des moments angoissants et de grands doutes, même à la chasse à la bernache parfois! Certains de mes amis me trouvent un peu ridicule, moi, je me dis que le jour où je n’aurai plus ce petit chatouillement et des papillons au ventre à la chasse à la sauvagine, malgré mon expérience et mes connaissances, bien, je vais arrêter de la pratiquer.