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Édition février 2024

ÉDITORIAL

Par
Louis Turbide

Saine gestion de l’orignal :
oui mais comment?

Depuis un an ou deux, l’inquiétude plane quant à la santé du cheptel d’orignaux au Québec et ce même dans des zones jugées à très forte densité comme la zone 2 dans le Bas Saint-Laurent. En 2023, la récolte totale d’orignaux au Québec a été de 22 600 bêtes alors que lors de la dernière année permissive en 2021 le total s’établissait à 25 264, une baisse de 10,5%. Puisqu’un nouveau plan de gestion devrait voir le jour en 2026, il est à propos de se pencher sur cette situation pour apporter des pistes de solutions. Mais même si la situation n’est pas si simple que cela,  un fait demeure, il se récolte trop de femelles au Québec et c’est le facteur principal selon moi qui fait fluctuer les populations à la baisse. Au début des années 2000, le principe d’alternance a été établi au Québec. Ainsi, mis à part la zone 1 où un tirage d’un nombre déterminé de permis de femelle était attribué, une année sur 2 il était interdit de récolter des femelles sur les territoires privés, publics et les zecs alors qu’une gestion particulière s’appliquait dans les réserves fauniques. Ce fut un véritable succès et le cheptel a rapidement doublé passant de 60 000 bêtes à 120 000 orignaux. Pour me faire une tête, je me suis amusé à vérifier les répercussions sur les récoltes de bêtes que cela avait eu pour trois zones de chasse soit la zone 1 avec son attribution par tirage au sort des permis de femelles, la zone 2 dans le Bas Saint-Laurent située dans une zone où le loup n’est pas présent et la zone 26 en Mauricie où l’orignal doit composer avec ce prédateur. Pour la fin de l’exercice j’ai pris les deux années permissives 2005 et 2021.

Résultats
Dans la zone 1 où le nombre de permis de femelle émis était contrôlé, la récolte a augmenté de 15% passant en 2005 de 4583 à 5272 en 2021. Pour ces deux années, le pourcentage de prélèvement de femelle s’est établit à 24% en 2005 et 30% en 2021. Il ne faut par contre pas oublier qu’il se récolte plus de 1000 orignaux seulement depuis 1993 dans cette zone. Le bond est donc prodigieux.

Dans la zone 2 où l’alternance prévalait, la récolte a littéralement explosé de 70% passant de 2634 bêtes en 2005 à 4474 en 2021 comparativement à seulement 688 bêtes en 1993. Pour ces deux années, le pourcentage de prélèvement de femelle s’est établit à 39% en 2005 et à 48% en 2021.

Enfin dans la zone 26 où l’alternance prévalait aussi mais qui abritait un prédateur comme le loup, la récolte a diminué de 15% passant en 2005 de 1554 à 1326 en 2021. Pour ces deux années, le pourcentage de prélèvement de femelle s’est établit à 40% en 2005 et 42% en 2021. Je ne peux malheureusement vous donner la récolte de cette zone en 1993 car elle faisait partie de la zone 15 qui a été redécoupée par la suite.

Voici donc trois exemples de trois réalités différentes. Premièrement dans la zone 1, le nombre de permis de femelle est soigneusement contrôlé et depuis 2007 la récolte est supérieure à 5000 bêtes tandis que le pourcentage de femelle récolté oscille entre 30 et 35% ce qui est tout à fait acceptable. Pour ce qui est de la zone 2, le principe d’alternance a fait exploser les populations d’orignaux grâce à un habitat favorable et absence d’un prédateur comme le loup. Mais la hausse du nombre de récolte jumelée au pourcentage de prélèvement des femelles beaucoup trop élevé a commencé à faire diminuer les populations de cette zone ces dernières années. Heureusement le ministère a réagi en y interdisant la chasse à la femelle adulte en 2023. Pour l’instant c’est une bonne solution pour cette zone mais la capacité de support de la zone sera à court terme encore atteinte et il faudra penser à une autre solution que de réintroduire le principe d’alternance.

Pour la zone 26, on a assisté à un phénomène inverse soit une diminution des récoltes au cours de cette période. Comme je le savais depuis longtemps car je chasse dans cette zone, il est évident que le pourcentage de récolte des femelles adultes qui varie entre 40 et 45% est beaucoup trop élevé pour permettre à cette zone d’atteindre les fameux 5 orignaux au 10 km2 visés dans le plan de gestion. Il ne faut pas oublier que dans cette zone, le loup prend sa part du butin et ses captures ne sont pas comptabilisées pas plus que celles des premières nations dont les statistiques seraient si importantes pour assurer une saine gestion. Difficile dans de telles circonstances de réussir à faire monter un cheptel.

Constat
Bien entendu il s’agit d’une analyse préliminaire faite par un simple passionné de chasse. Bien d’autres éléments doivent être pris en compte comme l’effet néfaste des tiques sur les populations d’orignaux, les changements climatiques, les coupes forestières, la longueur des saisons de chasse et j’en passe mais un point demeure. Si l’on veut contrôler efficacement nos populations d’orignaux et atteindre les objectifs de population pour chaque zone, aucun outil n’est plus efficace que l’attribution par tirage au sort des permis de femelle dont le nombre devrait être évalué à chaque année.

En agissant ainsi, dans les zones à forte densité on évite une explosion des populations qui peut mener à la destruction de l’habitat occasionnée par le surbroutage et ainsi en venir à constater une diminution du nombre de veau/100 femelles. Pour ce qui est des zones à plus faible densité, il y a trop d’éléments externes tel que mentionné précédemment dans ce texte qui peuvent freiner déjà la progression du cheptel. Il est donc encore plus important de contrôler le nombre de permis de femelle autorisé dans de telles zones. Sinon, une ou deux années trop permissives peuvent décimer le cheptel pour plusieurs années comme c’est le cas de la zone 26 qui a vu son cheptel diminuer de moitié au cours des 10 dernières années.  Bonne réflexion!

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